À la suite de l’allocution du maire, Marie-Carole Ciuntu, Monsieur Chelouah, principal du collège du Parc et Monsieur Banet, professeur d’histoire-géographie et d’éducation morale et civique au lycée Christophe Colomb, ont successivement pris la parole, pour exprimer leur vive émotion. Une minute du silence a été observée avant de finir cet hommage au son de l’Hymne national.
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Hommage à Samuel Paty

Bonjour à toutes et à tous,
Et tout particulièrement à la communauté enseignante de Sucy largement représentée aujourd’hui parmi nous,
Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois-d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, a donné son dernier cours, sur la préhistoire, vendredi dernier devant des élèves de 6ème.
Au sortir de son collège, sur le trajet vers son domicile, c’est la mort qui l’attendait. Un meurtre prémédité, suivi d’une décapitation, accomplis par un jeune russe radicalisé de 18 ans, de confession musulmane et d’origine tchétchène, à qui la France avait accordé refuge, à lui et sa famille.
Nous devions à ce professeur ce moment de rassemblement et de recueillement. C’est bien le moins que nous puissions faire pour saluer sa mémoire et entourer sa famille.
Qu’il me soit permis d’exprimer, en notre nom à tous, nos pensées les plus émues et les plus chaleureuses à ses proches.
Pour ses élèves, pour ses collègues et au-delà pour toute la communauté éducative de notre pays, ce drame raisonne douloureusement.
Pour la première fois, un professeur est assassiné puis décapité en raison de ce qu’il enseignait à ses élèves dans le cadre des programmes scolaires de la République.
Il enseignait la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la tolérance.
Il expliquait les valeurs qui fondent notre démocratie, celles pour lesquelles des millions de nos concitoyens se sont battus à différentes époques de notre histoire.
Il ne faisait que son travail et, d’après les témoignages unanimes, il le faisait très bien.
Les mots sont terriblement faibles pour traduire l’effroi et la colère que nous ressentons face à cet acte barbare.
De toute façon, les mots ne suffisent plus. Les rassemblements ne suffisent plus. Il est temps de sortir de notre sidération. Nous devons dépasser notre simple réprobation morale, parfois bien naïve par rapport aux menaces qui pèsent sur notre société.
« La liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l'objet du débat », écrivait Hannah Arendt dans son livre sur la crise de l'éducation.
A l’heure des fausses nouvelles, des manipulations ou des théories complotistes de toute nature, comme cette formule résume bien, à elle seule, notre situation.
A l’évidence, en France, dans certains établissements scolaires, et déjà depuis quelques années, il est difficile de parler sereinement de plusieurs sujets. Les enseignements sont parfois remis en cause. L’autorité du professeur est ponctuellement contestée, par les élèves mais aussi par les parents. Les actes terroristes qui ont frappé notre pays en 2015 et leur contexte sont au premier rang de ces sujets pour lesquels l’autocensure et l’évitement existent, aujourd’hui, en France, dans l’école de la République.
Tous ceux qui sont quotidiennement et localement confrontés à ces questions le savent bien. Pourquoi leur parole a-t-elle été empêchée ou ignorée depuis si longtemps par les responsables de l’Etat ?
Les règles de notre état de droit nous protègent, c’est vrai, mais elles peuvent aussi désormais être utilisées contre nous, notamment sur le plan judiciaire, par ceux qui combattent avec une grande habileté notre modèle social et culturel. Nous devons savoir le reconnaître et en tirer toutes les conclusions qui s’imposent. La liberté d’expression, ce n’est pas la liberté de lancer des appels au meurtre plus ou moins déguisés.
La lutte contre le terrorisme islamiste n’est cependant pas qu’une affaire de police et de justice. Elle se mène aussi par l’affirmation de nos convictions et de nos principes. A nous de les expliquer, de les défendre mais pas de nous en excuser. L’éducation tient ici un rôle majeur. Et c’est précisément pour cela qu’elle est attaquée.
La France, sa culture, son mode de vie, sa société sont une cible trop facile pour certains bras armés aisément influençables. Il appartient à l’Etat d’apporter les réponses fortes à la hauteur de cette menace constante.
Chacun à notre niveau, nous devons également continuer à agir. Contre la peur et l’intimidation, la meilleure réponse est collective. C’est tous ensemble que nous devons affirmer qu’il n’est pas question de se laisser imposer, par une petite minorité, un modèle qui ne correspond en rien à ce que nous sommes. Voilà ce qui nous unit tous et cette conviction est beaucoup plus forte que nos différences individuelles.
Ne rien dire, ne rien voir ou, pire encore, se trouver en position de devoir se justifier pour le simple usage de droits et de libertés en vigueur dans notre pays depuis des décennies, n’est plus possible aujourd’hui.
C’est en édictant des règles claires, compréhensibles par tous et en n’acceptant aucune compromission avec ces règles clairement énoncées que nous défendrons le plus efficacement possible nos valeurs.
C’est en soutenant et en protégeant ceux qui sont en première ligne et qui sont menacés que nous encouragerons ce mouvement collectif.
C’est en ne renonçant à rien de ce qui fait la France, en particulier l’esprit critique et satirique, dont chacun d’entre nous, tour à tour, pouvons être la cible — nous, nos convictions ou nos croyances — mais qui nous rappelle tous les jours que nous vivons dans un pays libre.
C’est en enseignant cela, encore et toujours, à notre jeunesse dans toutes les écoles, en faisant confiance à son intelligence, à son optimisme, à son envie de vivre que nous combattrons les semeurs de haine et de terreur.
Si nous le faisons, alors ce professeur et tant d’autres victimes avant lui, ne seront pas morts pour rien.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
Merci Madame le Maire, Madame la Vice- Présidente de la Région, Madame Ciuntu, pour ce moment de recueillement que vous organisez. Vous avez toujours su répondre à vos concitoyens et aujourd’hui, nous en avons besoin car nous avons été touchés, blessés. Un de nos compatriotes, Samuel Paty, est tombé sous le joug de la barbarie. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons restés unis face à cette férocité, à cet acharnement. Qu’a-t-il fait au juste ? Le métier qu’il aimait, à l’école de la République, celle nous chérissons. Il ne doit y en avoir qu’une, elle restera forte. Ses professeurs, ses personnels le prouvent au quotidien et n’accepteront plus jamais cela. Restons libres de penser, restons libres d’enseigner les valeurs qui ont fait et font de notre pays ce qu’il est, la France ! Ne nous laissons pas déstabiliser, Samuel, nous sommes aujourd’hui rassemblés pour toi, cher collègue, professeur d’histoire. Ton histoire commence aujourd’hui. Jamais, nous ne t’oublierons. Merci Samuel. Repose en paix car les consciences s’éveillent ».
Bonjour à toutes et à tous,
C’est avec beaucoup d’émotion que je prends la parole, à la suite de Mme. La Maire et de Monsieur le principal du collège du Parc pour rendre hommage à un collègue professeur d’histoire-géographie et d’éducation morale et civique.
Cette prise de parole à trois est déjà un symbole, un symbole en elle-même : elle doit signifier l’union de notre commune mais aussi de notre communauté éducative. Communauté éducative dont vous parents et vous élèves vous êtes partie prenante.
Nous rendons hommage à Samuel Paty, nous honorons sa mémoire, son travail, nous voulons soutenir sa famille et ses proches, les collègues de son collège et ses élèves. Cet homme a été assassiné pour avoir fait simplement son devoir, pour avoir fait simplement son métier de professeur.
Professeur, Samuel Paty l’était, par sa formation intellectuelle et l’exercice d’un métier passionnant, exigeant, et surtout nécessaire pour une société démocratique.
L’enseignant d’histoire-géographie est toujours tendu entre deux registres dans son activité professionnelle :
l’histoire et la géographie scientifiques, universitaires, d’une part, et l’histoire et la géographie adossées à la société, dont on ne peut ni en ignorer les remous, ni éviter d’en ressentir les effets, d’autre part.
En 2015, après les attentats, nous professeurs, nous avons constatés des fissures, dans la société rendant plus criantes encore les situations d’inégalités entre les territoires et les atteintes aux valeurs de la République, notre bien commun.
Nous réaffirmons avec force l’autonomie des professeurs et la liberté pédagogique :
Le professeur est maître d’ouvrage dans sa classe, dans le cadre strict des prescriptions des programmes définis par l’Etat français et dans la mesure où ce qui est enseigné s’inscrit dans les limites d’un consensus scientifique.
La liberté pédagogique est ainsi constitutive de notre école, elle consiste à chercher et dire le vrai.
Et aucun groupe, aucun groupe, ne peut s’arroger le droit de dicter ce que nous devons dire et enseigner en classe. C’est en exerçant notre métier, par la Connaissance, que nous professeurs nous émancipons nos élèves.
Samuel Paty était un professeur mais c’était aussi un fonctionnaire de la République.
Fonctionnaire, Samuel Paty incarnait aussi l’autorité de l’Etat.
Le fonctionnaire de l’Education nationale apporte non seulement à ses élèves des outils intellectuels avec des gestes professionnels précis et adaptés à l’âge de chacun, mais il a pour ambition d’en faire des citoyens libres, respectueux, éclairés, capables de débattre avec des mots ; à l’opposé de toute soumission ou de toute violence physique.
Il se pose inlassablement cette question dans l’exercice de son métier : comment faire vivre ensemble, au sein d’une même société, toute notre jeunesse ?
La République française ne veut ni contraindre, ni exclure, ni construire murs et séparations, elle a choisi la laïcité. C’est bien dans ce cadre, matrice des libertés fondamentales, celles de croire, de ne pas croire, ou de changer de croyance, que le fonctionnaire agit.
Nous professeurs de l’Ecole républicaine nous tenons à promouvoir un esprit de résistance face à l’obscurantisme et à la terreur. Nous sommes à ce titre les héritiers de Voltaire mais aussi d’autres qui nous ont précédé.
Nous tenons à affirmer avec la plus grande fermeté notre attachement sans failles à un enseignement qui ouvre les élèves à l’esprit critique et à la liberté du jugement individuel. C’est une condition indispensable à la réalisation d’un régime démocratique et d’une société apaisée.
Nous continuerons notre mission, nous continuerons notre mission, nous continuerons à enseigner dans cette voie avec le soutien de l’institution mais aussi et c’est indispensable le soutien des parents, le soutien de l’ensemble de la communauté éducative.
Cela nécessite, de la part de l’Etat, d’assurer de manière pérenne les conditions d’exercice de notre métier, de garantir une liberté pédagogique pleine et entière.
Comme en 2015, face à cette tragédie, face à cette horreur, qui nous affecte profondément, professeurs, administration, parents d’élèves nous devons être côte à côte, unis dans une même préoccupation – celle de nos élèves, de nos enfants –, pour garder le cap et défendre les valeurs de notre pays.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre présence, de votre écoute, de votre soutien.